L’astrophotographie, surtout dans le domaine du ciel profond, c’est d’une part photographier des objets très lointains et très peu lumineux mais c’est également pousser son appareil photo à surpasser ses limites !
Dans le cas des objets lointains, la pratique demande d’empiler plusieurs photographies identiques. Cela permet d’augmenter l’exposition et les détails de l’objet visé, et également de réduire considérablement le bruit sur l’image finale. Par contre, cela ne supprime pas tous les défauts de signal du capteur qui accompagnent la prise de photo numérique.
Cependant, il existe trois fichiers de calibration pour améliorer la qualité de ses photographies astronomiques, pour gruger les défauts que l’on ne peut empêcher à la prise de vue. Ce sont les DARKs, les OFFSETs et les FLATs. Voici un article explicatif pour y voir plus clair sur ces trois fichiers de calibration, comprendre leurs intérêts et savoir comment les réaliser.
*SOMMAIRE*
.: INTRODUCTION :.
1.DARKs
A.Son intérêt
B.Réalisation
2.OFFSETs
A.Son intérêt
B.Réalisation
3.FLATs
A.Son intérêt
B.Réalisation
.: INTRODUCTION :.
Un capteur d’appareil photo est une surface photosensible composée de photosites. Ces derniers sont sensibles au rayonnement de la lumière, aux photons, à l’instar des cônes et bâtonnets de votre œil. Dès lors qu’un photosite est touché par la lumière, cela génère des électrons qui seront stockés dans le photosite. Le rayonnement électromagnétique de la lumière est donc converti en signal électrique.
Chaque photosite emmagasine alors un certain nombre d’électrons suivant la quantité de lumière qu’il reçoit. C’est ainsi que l’intensité lumineuse finale se définie. La couleur quant à elle est définie par un filtre sur les photosites. Pour imager la chose, Il faut voir ça comme une gaufre, où chaque alvéole accueille une quantité de confiture, avec par dessus un filtre qui analyse le goût de la confiture suivant ce que l’on décide d’y mettre. Ainsi chaque alvéole possède sa propre dose de confiture d’un certain goût différent.
Ensuite, à la lecture du capteur les photosites déchargent leur stock d’électrons et voient cette valeur transformée en valeur numérique, qui définiront l’intensité lumineuse des pixels de votre image.
Pour résumer, la lumière est un rayonnement électromagnétique qui est converti par les photosites en signal électrique analogique, avec la libération des électrons, pour ensuite être converti en valeur numérique à la lecture du capteur afin de définir l’intensité lumineuse des pixels de votre image.
Nous parlerons alors ici de deux signaux, le Signal Noir ou Dark, le Signal Offset ou BIAS et le Flat !
Pour la suite, il ne faut donc pas confondre le signal du bruit numérique, j’ai moi-même longtemps fait l’erreur. Le signal est ce qu’il va laisser comme « défaut parasite » sur l’image à la lecture du capteur, alors que le bruit apparaît numériquement après la lecture du capteur suivant les réglages de l’appareil photo ou de la post-production.
Le meilleur exemple est lorsque l’on augmente l’ISO, on augmente artificiellement l’intensité de la lumière mais celle du capteur ne change pas. C’est là que le bruit se crée ! C’est comme quand on augmente le volume d’une chaîne Hifi sans son, on commence alors à entendre un bruit diffus, presque crépitant. Pour le bruit en photographie c’est la même chose. En augmentant l’intensité de lumière artificiellement avec l’augmentation des ISO, on génère du bruit, surtout très présent dans le noir, les pixels déjà faibles en intensité de lumière. L’apparition du bruit est plus ou moins présent suivant la qualité de votre appareil photo, certains le gèrent mieux que d’autres.
De ce fait, ces marques parasites du signal sur l’image sont des défauts dits reproductibles, qui seront les mêmes d’une photo à l’autre, lorsque les photos qui s’enchaînent sont faites dans des conditions d’environnement identiques et les mêmes réglages. Alors que le bruit numérique génère d’autres défauts qui sont eux aléatoires, et apparaissent après la lecture du capteur. Ils dépendent des réglages de l’appareil photo au moment de la prise de vue, en particulier la valeur ISO donc et aussi les réglages en post-production. Essayez de booster à mort l’exposition d’une photo sombre sous Lightroom ou autre, vous verrez le carnage =) .
Ainsi, ces trois fichiers de calibration, que sont les Darks, Flats et Offsets (aussi appelés DOF), ont chacun leur fonction et pour résumer, ils permettent de supprimer les signaux parasites créés lors de la lecture du capteur et sa façon d’être utilisé, ainsi que la suppression de défaut d’optique comme le vignetage et les poussières sur l’objectif.
Plus vous faites de quantité de ces fichiers de calibration, meilleure sera cette fameuse calibration et correction (à l’exception des FLATs). Dès lors, on peut se demander légitimement pourquoi il faut faire beaucoup de DOFs, alors que le signal est reproductible, soit identique d’une photo à l’autre. Tout simplement car même lorsque vous faites vos DOFs vous allez créer du bruit sur chacune d’entre-elles, et comme dit plus haut, pour éliminer le bruit il faut empiler des images identiques. Voilà pourquoi il faut en faire un nombre conséquent, même si à partir d’un certain nombre cela devient moins efficace. Et surtout, en faire trop peu peut nuire plus qu’être bénéfique pour votre image finale car vous ajouterez du bruit supplémentaire malgré la suppression des signaux. Entre 20 et 30 pour les DARKs et OFFSETs au minimum est déjà une bonne base pour chaque type, même si à 100 on est carrément bien là =)
Cela étant dit, si c’est votre première séance de photographie du ciel profond, concentrez vous sur la prise de vue et l’empilement des photos, avant de vous triturez les méninges avec ces fichiers de calibration, cela évitera de rallonger la durée de la soirée et de peut-être vous décourager, chaque chose en son temps !
Bref, après tout ça… C’est parti !!
——————————
1.Les DARKs
A.Son Intérêt
Créer des DARKs permet de supprimer le signal thermique parasite de votre capteur photo.
Le signal thermique apparaît suivant la température du capteur, une température qui évolue avec des temps de poses plus élevés, mais de l’environnement également, qui va influencer la température du capteur. Les pixels affectés le sont indépendamment, le signal thermique ne sera pas égal d’un pixel à l’autre. Certains apparaîtront plus tôt, d’autres à de plus hautes températures, ce qui crée un effet granuleux. Lorsqu’un photosite est saturé alors qu’il ne devrait pas, cela crée des points blancs, dits pixels chauds éparpillés sur la photo et qui augmentent en nombre avec la durée d’utilisation de l’appareil photo, faisant chauffer le capteur. Ce seront toujours les mêmes pixels qui seront affectés.
Au final, faire des DARKs permet de réaliser une carte thermique du capteur, ce qui indique là où il y a du signal parasite qu’il faudra le soustraire à l’image finale.
Le signal parasite :
*IMAGE EXEMPLE
Créer trop peu de DARKs dégraderont l’image plus qu’ils ne l’amélioreront. Avec un fichier DARK on soustrait le signal thermique parasite sur l’image finale mais on ajoute du bruit. Procédez à une moyenne de 20 à 30 OFFSETs permet une bonne calibration afin de réduire le bruit accumulé lors de la création des ces images, mais plus vous en faites, meilleure sera la réduction du bruit !
B.Réalisation
Pour réaliser des DARKs, il suffit de mettre le capuchon de l’objectif pour rendre l’image totalement noire, à défaut de tout autre moyen pour mettre l’objectif dans l’obscurité totale. Ensuite, il est important de conserver les réglages identiques à ceux de la prise de vue, le temps de pose doit être le même que sur les photos du ciel précédemment prises. Aussi, comme dit au dessus, il faut être dans la même température en degrés, la température de l’environnement qui entoure l’appareil photo. C’est pour cela qu’il est important de procéder au DARKs juste après la prise de vues, afin d’être toujours dans une plage de température équivalente. Si la météo annonce de gros changements de température au cours de la soirée/nuit, il est peut être judicieux de créer des DARKs en milieu et fin de soirée, mais également au début.
Toujours est-il que pour réaliser les DARKs, ne touchez à rien, mettez simplement le capuchon sur l’objectif et lancez une bonne série de photos, comme si vous continuiez à faire vos prises de vues du ciel profond.
2.Les OFFSETs
A.Son Intérêt
Aussi appelés BIAS, les OFFSETs permettent de supprimer le signal de lecture (ou signal BIAS) qui marque l’image numérisée par l’appareil photo. Le signal OFFSET se retrouve sur chaque image brute que l’on réalise. Ce signal est généré volontairement par l’appareil photo car il ne peut y avoir de valeur négative sur les pixels. Ainsi un appareil photo ne photographiera jamais un noir total, il persistera toujours des nuances propres à chaque pixel, partantes vers un gris très très faible et foncé.
On cherche à supprimer ce signal parasite avec les fichiers OFFSET pour retrouver une valeur de 0 dans les noirs sur l’image finale.
*IMAGE EXEMPLE
Ce signal reste constant lors des prises de vues et ne change pas ou très peu, et dépend de l’ISO utilisé. Comme pour les DARKs et comme dit plus haut, trop peu d’OFFSETs dégraderont l’image plus qu’ils ne l’amélioreront. Car avec un fichier OFFSET on soustrait le signal sur l’image finale mais on ajoute du bruit, et plus il y a d’image mieux le bruit sera réduit. Procédez à une moyenne de 20 à 30 OFFSETs permet déjà une bonne calibration afin de réduire le bruit accumulé lors de la création de ces images.
B.Réalisation
Pour réaliser des OFFSETs, il faut également mettre le capuchon sur l’objectif, ou tout autre moyen permettant d’avoir l’objectif dans l’obscurité totale, et régler le temps de pose le plus court possible. Tournez la molette de réglage du temps d’exposition au minimum. C’est l’étape la plus simple et rapide à faire, donc il suffit d’envoyer une bonne vague de plusieurs dizaines de photos après chaque séance de photos astro et en 1 minute c’est terminé.
3.Les FLATs
A.Son Intérêt
La création de FLATs ou aussi appelés PLU (pour Plage de Lumière Uniforme) permet de corriger les défauts d’optique de l’objectif ou télescope. Il corrige le vignetage et les poussières présentes sur les optiques et le capteur.
Le vignetage est l’assombrissement des 4 coins de l’image. Il est plus ou moins prononcé suivant la qualité et conception de l’optique.
Quant aux poussières, elles se représentent généralement par des taches sombres aléatoirement posées sur la photo. Même en étant très maniaque de la propreté avec son matériel, c’est un phénomène qui reviendra quand même, à moins de faire de la photographie en salle blanche et être équipé d’une combinaison qui ne laisse sortir que vos yeux =). Procédez avec 10 à 20 FLATs environ est déjà bien assez suffisant, le bruit ne sera pas excessivement présent sur ce genre d’image puisque le signal sera majoritaire.
B.Réalisation
Pour réaliser des FLATs, il faut laisser la mise au point et la focale telles qu’elles étaient lors de la prise de vue, à l’exception du temps de pose…
En effet, vous allez devoir mettre devant votre objectif une source de lumière blanche uniforme, comme une feuille de papier allumée par derrière, un smartphone avec un affichage blanc etc… et veiller à ce que la photo ne soit pas cramée et que l’histogramme ne dépasse pas les 2/3 vers la droite. Il est très important que le blanc soit uniforme.
L’histogramme ne doit pas non plus partir trop à gauche dans le sombre, ceci pour un bon calibrage. Donc, il faut régler le temps de pose de l’appareil photo pour avoir une belle photo blanche sans être surexposée, et avec un histogramme qui pointe à 2/3 à droite.
*PHOTO EXEMPLE
Si les astuces à l’arrache ne vous intéressent pas, vous avez toujours la possibilité d’acheter des boîtes à FLATs pour une aisance et confort d’utilisation. Il est même possible d’en fabriquer si vous êtes bricolo.
Voilà la synthèse que j’ai réalisé à propos des DOFs, ayant moi-même commencé l’astrophotographie récemment.
J’ai condensé tout ce que j’ai appris à ce sujet pour le retrouver dès que besoin et le partager. Cependant, je n’ai pas la science infuse et je ne suis pas à l’abris d’une mauvaise compréhension. Donc si vous êtes plus expérimentés et/ou que voyez une boulette qui s’est immiscée dans cet article, merci de me le signaler 🙂
Bon ciel !
Merci pour ces explications détaillées. Je débute et c’est bien d’expliquer le concept en préambule de la pratique. C’est très clair..
Il ne me reste plus qu’à profiter de ces belles soirées d’été pour sortir photographier notre belle voûte étoilée.
Merci pour votre message =)
Bon ciel et bonne exploration spatiale !
J’ai cherché à comprendre ce qu’était les DOFs et pourquoi il fallait en faire et de ce fait j’ai lu pas mal d’articles sur le sujet et je trouve que le votre est le meilleur. A savoir, il est clair, précis et très adapté aux débutants comme moi. Par exemple, vous êtes le seul à préciser que les BIAS et les OFFSETs sont la même choses. Dans les autres soit on parle de l’un soit on parle de l’autre. Vous abordez le sujet de manière technique mais sans trop l’être, c’est génial!!! Félicitation à vous.
Bonjour, merci beaucoup pour votre message, c’est encourageant =)
Parfois on parle de flat-dark, de quoi s’agit-il ?
Salut, je ne connaissais pas ces fichiers mais de ce que j’ai compris sur les sites anglophones, car je n’ai absolument rien trouvé en site francophone, ce sont en fait des dark pour les flat. Après avoir fait des flats, il suffirait de simplement mettre le capuchon sur l’objectif et de lancer sa série de flat-darks. Ce n’est pas systématiquement nécessaire visiblement, cela dépendrait du logiciel utilisé pour le traitement et l’empilement.
Merci pour ces infos précieuses et expliquées avec simplicités. Le plus difficile va être d’attendre à chaque scéances et de refaire les darks, puis de calibré avec le logiciel de traitement d’images, c’est souvent très coton.
Bonne nuit…
Explications extra pour le débutant Gardois que je suis… Pourriez vous m’adresser par mail votre topo explicatif. Merci infiniment par avance.
MaxBlo
Merci beaucoup pour ces supers explications simples et compréhensibles. Une fois réalisées, comment se passe l’empilement de la/les photo du ciel avec ces 3 catégories DOF ? Merci encore et bonne continuation.
Nico
Pour ma part j’utilise Deep Sky Stacker : http://deepskystacker.free.fr/french/index.html pour l’empilement, très simple d’utilisation et super lorsque l’on débute dans l’astrophoto.. Le logiciel est assez intuitif mais voici un tutoriel qui pourra vous aider dans vos premiers pas https://www.youtube.com/watch?v=wQXZ41Lrax0
Bon ciel !
Super ! Merci beaucoup pour votre réponse et les liens. Je vais regarder tout ça 😉 pensez-vous qu’il soi possible de faire de l’astrophoto et de l’empilement sans avoir de monture motorisée ? J’imagine que cela signifie un post traitement beaucoup plus long et difficile pour faire correspondre les photos une à une…
Merci et bon ciel à vous également
C’est possible sur de très gros objets, particulièrement sur de la photo de grand champ (comme la voie lactée). Mais il faut garder en tête que suivant le sujet et les photos accumulées, il peut être très compliqué voir impossible de superposer correctement toutes les photos. Comme dit au dessus, pour la voie lactée c’est gérable, mais pour une galaxie ou nébuleuse il faudrait une dextérité de ouf lors de la prise de vue pour faire les photos les plus clean possible avec l’objet toujours quasiment au même endroit dans l’objectif, sans compter la fatigue et le temps que demandera chaque photo. M’enfin pourquoi pas, quand on veut on peut 🙂 Cela dit, une monture serait quand même bien plus pratique pour profiter pleinement et éviter de se dégouter de la pratique. Toujours est-il que si vous hésitez encore sur l’acquisition d’une monture voici un tutoriel sous Photoshop qui explique bien l’empilement avec la méthode d’ajustement des images « médianes » lorsque les prises sont faites sans monture motorisée : https://youtu.be/smqjhMi5OKo?t=1727 (commencer la vidéo à 28m45, le son est dégueulasse mais tout est bien expliqué !)
Histoire de s’entrainer et d’essayer 😉